NATHALIE GEORGE
RECETTES DE STYLE
Peut-être avez-vous découvert, comme moi, Nathalie George à l’occasion de la parution de son livre La cuisine du 6e étage. Du piano au réchaud ! aux éditions Herodios. Son histoire émouvante fait écho à cette période si particulière que nous vivons, la précarité peut guetter chacun de nous, notre rapport au monde a changé. Très vite j’ai remarqué son élégance. Que dit le vêtement de nos vies, comment garder l’envie de s’habiller quand on vit dans une petite chambre de bonne, comment faire avec peu ? Avec générosité, à l’instar du partage de ses recettes de cuisine, Nathalie George a accepté de se livrer et partager ses recettes de style. Et comme un clin d’oeil à son roman culinaire, j’ai choisi de suivre la même structure en quatre actes qui constituent quelques noeuds de son histoire.
Nathalie George dans l'escalier
de service qui mène au 6e étage
photo © Marie Nizet
acte I
LE BEAU, LE BON & L’HARMONIEUX EN HÉRITAGE
Nathalie George le reconnaît, elle a eu la chance de vivre dans un milieu aisé, entourée de personnes sensibles aux belles choses, qui avaient du goût et un sens des couleurs.
Gigi, la grand-mère paternelle adorée, arbore une élégance de grande bourgeoise classique, c’était l’époque où l’on se changeait encore plusieurs fois par jour, il y avait la tenue du matin, les tenues de l’après-midi, des petits dîners, pour aller au théâtre.
Du côté maternel, la grand-mère est modiste, créative, pleine d’imagination, il faut savoir associer les couleurs, les matières, avoir le sens des formes. Françoise, sa mère, crée la première boutique de prêt-à-porter de luxe. L’héritage maternel est très important. Il suffit d’entendre Nathalie George évoquer les tissus, les tombés, comme un grand chef énumèrerait des épices exotiques, pour comprendre que le tissu fait partie de son ADN au même titre que la cuisine : pongée, crêpe georgette, satin de soie, faille de soie, mousseline, jersey, grain de poudre, flanelle, tweed, prince de Galles…
Chaque tissu a son tombé, son porté, chaque couleur se décline en différentes nuances.
Alors, évidemment, son rapport au vêtement ne peut être le même que pour tout un chacun, cela mène au perfectionnisme et explique l’importance du vêtement dans la vie de Nathalie George et la raison pour laquelle elle en a autant.
Chapka et tête à chapeau
photo © ACG
Rangez vos vêtements par saison, voire par demi-saison tant que le réchauffement climatique nous le permet ! Il est important de respecter son vêtement, d’en prendre soin.
Intéressez vous aux matières, au toucher, tous les tissus ne réagissent pas de la même manière, porter une robe de faille va être beaucoup plus rigide qu’une mousseline. Apprendre à connaître les tissus, pour les femmes comme pour les hommes, permet de développer sa fantaisie et de découvrir un riche vocabulaire.
acte II
UN STYLE POUR RENCONTRER SON DESTIN
La constance
C’est une des qualités préférées de Nathalie, en réaction à un père coléreux, une mère volcanique, et une enfance ballotée. Très vite elle a eu envie d’avoir un chemin différent, une constance, ne pas être artificielle dans sa manière d’être. Constance que l’on retrouve dans sa manière de concevoir sa garde-robe intemporelle au fil du temps. Qui lui donnera envie très jeune de faire dame !
La révolution Chanel – une attitude face à la vie
« Chanel travaillait sur le corps même et ciselait son costume pour qu’une femme, le jour où elle le porte, puisse rencontrer son destin » (extrait du magazine Beaux-Arts consacré à Gabrielle Chanel - manifeste de mode). Si Nathalie George aime autant Chanel, c’est qu’elle correspond à une attitude face à la vie qui lui ressemble, celle d’une femme toujours prête à tout. Parce qu’elle a développé, dès l’enfance, un sens aigu de la précarité de l’existence, Nathalie George se définit comme une aventurière au sens réel du terme, capable de partir en voyage et de ne pas revenir. Un vêtement Chanel est pour elle une seconde peau, vous pouvez mettre un tailleur le matin, aller travailler, aller dîner, le remettre le lendemain en changeant d’accessoire. Faire face à l’imprévu. Il peut se transformer, il ne se froisse pas quand on se déplace et a toujours énormément de chic.
La haute couture
Acheter un vêtement haute couture c’est acheter un vêtement qui est encore plus beau à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ce refus de l’ostentatoire rend le vêtement beaucoup plus élégant et c’est aussi ce qui le rend magnifique selon Nathalie George.
L’estime de soi
Ne vous fiez pas aux apparences, derrière cette élégance affichée, Nathalie n’a pas confiance en elle. Elle aime citer Louise de Vilmorin et son texte sur l’élégance. Une femme ne se regarde pas forcément dans la glace par prétention mais par doute, l’envie d’être au mieux possible, d’être séduisante. Il faut faire avec soi-même, se connaître, le vêtement est un atout mais pas uniquement. Elle se souvient du talent des soeurs Maria et Rosy Carita, qu’elle a croisées, enfant, dans l’atelier de Françoise, qui savaient trouver le style de coiffure capable de magnifier chaque femme.
Plutôt que d’acheter des vêtements sans réfléchir demandez-vous toujours pour quelle occasion vous allez le porter, avec quoi vous allez l’harmoniser et construisez votre garde-robe dans cet esprit de continuité.
Le vêtement n’est pas superficiel, il est très important de trouver le style de vêtement qui vous correspond, qui correspond à la vie que vous voulez mener, qui vous permettra de rencontrer votre destin.
Aujourd’hui, avec le développement du vintage, il est possible d’acquérir des vêtements haute couture de seconde main. Plus on choisit des vêtements anciens, plus on est sûr d’avoir un vêtement bien construit surtout si l’on décide d’opter pour une marque.
Toujours s’approprier le vêtement. Nous ne sommes pas des porte-manteaux. Nathalie aime toujours porter un vêtement, acheté pour une occasion précise, une ou deux fois, pour voir comment elle se sent dedans, comment l’accessoiriser, pour qu’il « devienne moi-même ».
Faire avec soi-même, avec son corps signifie essayer de porter des choses qui sont adaptées à notre silhouette. Par exemple, un balconnet sur une petite poitrine, c’est inutile, mieux vaut porter dans ce cas le décolleté dans le dos. Transformer ses moins en plus. Nathalie George a les cheveux tellement fins qu’elle les porte en chignon c’est devenu sa signature !
Un détail et l'harmonie de la silhouette
photo © ACG
acte III
CHANGEMENT DE DÉCOR
Lorsque les aléas de la vie ont précipité Nathalie George dans la précarité elle a adopté la même philosophie de l’existence et emménagé, grâce à une amie d’enfance, dans une petite chambre sous les toits de Paris. Avec l’envie de s’adapter comme si elle s’envolait vers une nouvelle aventure. Et comme par un drôle de hasard, c’est entre le musée Yves Saint Laurent et le palais Galliera qu’elle réside aujourd’hui.
L’essentiel - transformer les moins en plus
N’allez pas croire que tout a été facile pour autant. On a beau se dire que l’espace est petit, il y a toujours forcément trop de choses. Il faut trouver une place pour chaque objet, jongler avec l’espace, choisir ses essentiels, cohabiter avec le chat, les livres, la musique et les vêtements. Mais Nathalie George nous le rappelle : on ne meurt pas de l’inconfort, on fait avec. On peut se laver dans un lavabo, descendre sa valise en pièces détachées, faire fi des problèmes pratiques. L’essentiel est ailleurs, il suffit de lire les témoignages de ceux qui partagent sa table au 6e pour comprendre le monde parallèle des petits riens… que décrit son ami Francis Kurkdjian, parfumeur qui a crée, entre autres parfums, Le mâle, pour Jean-Paul Gaultier en 1995 mais aussi Kouros pour Yves Saint Laurent.
Le beau, une finalité formidable
Pour ne pas se laisser abattre les jours plus difficiles, Nathalie George se recentre, s’habille comme il faut pour être prête à affronter l’adversité, « pas négligée et carrossée », s’ouvre une bouteille de vin rouge et se concocte un bon repas. Elle a cette capacité à retrouver dans la bonne chair des forces physiques et morales. C’est bon pour le corps, c’est bon pour l’âme, c’est bon pour les cinq sens. On peut être pétrie de doutes et d’incertitudes, mais plutôt que d’attendre quelque chose de la vie, elle achète de la peinture Ripolin et réinvente son décor comme elle le dit si bien.
Bien s’habiller avec peu de moyens
Comme bien cuisiner avec peu de moyen, c’est possible. C’est une question de goût. Poussé à l’extrême et parce qu’elle a frôlé elle-même la pauvreté, Nathalie George observe les personnes dans la rue et me parle de cette femme qui avait ce don d’être toujours chic avec des vêtements glanés, d’adopter une posture élégante et d’harmoniser le peu qu’elle possédait. Aujourd’hui, Nathalie trouve des pulls formidables, des gammes couleurs remarquablement bien faites, de jolis modèles chez Monoprix. Achète des modèles accessibles et de bonne qualité chez Uniqlo.
La mode – l’air du temps
L’avantage de s’être constituée une garde-robe est qu’on peut s’adapter à chaque époque. Comme la mode est un éternel recommencement, si par moment, instinctivement, vous rêvez par exemple d’une longueur de jupe différente, c’est possible. L’accessoire viendra moderniser votre silhouette, un sac en bandoulière donnera un côté actuel, un porté main devra être décalé avec un pantalon pour faire moins da-dame…
À partir du moment où l’ensemble est harmonieux il n’y a pas besoin de chercher des choses compliquées.
Regardez, touchez, comparez, parfois dans une même production industrielle, les finitions diffèrent, un ourlet, une fermeture, soyez attentifs.
Le style vient aussi en parlant, dans la manière de vous tenir, dans votre manière de vous regarder, c’est un tout. Soyez vous-même et tout ira bien !
Le couloir du 6e, le coin cuisine
et comment inventer son propre espace
photo © ACG
acte IV
UN CONTE DE NOËL
Rencontrer Nathalie George c’est partager une esthétique de la vie. Il y a du panache dans cette quête d’un idéal, qui l’a menée parfois au bord du précipice. Elle a menée son existence en femme libre, jamais victime, même lorsque la vie lui a joué de mauvais tours. Nous avons beaucoup parlé de sa philosophie de l’existence, de son travail de directrice artistique, de la création, de sa force intérieure. Elle en parle dans son livre. J’aurais aimé l’interroger sur cette nouvelle aventure qui démarre avec l’édition de cet ouvrage. L’histoire d’une toute jeune maison d’édition, les éditions Herodios fondées par Philippine Cruse, l’histoire d’une équipe qui en fait la promotion, l’histoire d’une passion de la cuisine et de l’Italie partagée avec Yannick Alleno. Dans la vie de Nathalie il y a le partage, les rencontres qui mènent vers d’autres rencontres et qui font le sel de la vie. Mais je m’arrêterais là. Il y aurait encore beaucoup à dire, une autre fois peut-être…
Chapka de famille sur la tête
et Nathalie la lumineuse
photo © ACG
La cuisine du 6e étage - du piano au réchaud !
éditions Herodios
216 pages, prix : 20€
www.instagram.com/lacuisinedu6emeetage/
www.instagram.com/editions_herodios/
Merci à Nathalie de m’avoir consacré du temps, merci à Olivier, Fanny, grâce à qui j’ai pu gravir les 111 marches du 6e. En cette fin d’année je vous souhaite à toutes et tous de merveilleuses nouvelles aventures.
Nathalie et ses chats
© courtesy Nathalie George
La tour Eiffel, dame de compagnie
photo © ACG